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19 avr. 2024
Les mangroves… ou la pouponnière marine !

Les mangroves, c’est quoi ?

Les mangroves sont des forêts peuplées d’arbres que l’on appelle palétuviers qui ont la capacité de pousser dans l’eau salée. On les retrouve principalement sur la zone intertidale, c’est-à-dire la zone de balancement des marées, ou dans les estuaires.

À ce jour, on recense 60 à 70 espèces de palétuviers dans le monde. L’espèce qui peuple la mangrove dépend de l’habitat dans lequel elle se trouve. Les diverses espèces de palétuviers ont développé des adaptations différentes en fonction des conditions de milieux très spécifiques et souvent moins adaptées à une végétation plus variée. Certaines espèces peuvent tolérer des milieux plus salés que d’autres, des sols et des eaux plus pauvres en oxygène et pousser dans des sols boueux. Pour cela, ces arbres ont développé des caractéristiques impressionnantes telles que des racines en échasses pour capter l’oxygène, ou la capacité d’éliminer le sel à travers leurs feuilles.

Et à Maurice ?

À Maurice, seules 2 espèces sont représentées : la Rhizophora mucronata, qui est la plus répandue sur les côtes de l’île, et la Bruguiera gymnorrhiza, que l’on n’observe que dans le Nord-Est et l’Est. Dans le passé, les mangroves occupaient près de 20 km2 sur les côtes de l’île mais elles rétrécissent comme peau de chagrin… Depuis les années 60, elles sont détruites notamment pour la production de bois pour le feu, les besoins d’aménagements côtiers, le développement immobilier sur la zone côtière et pour créer des passages pour les bateaux. Aussi, en 1980, il n’en restait plus que 0,45 km2 !

Mais au fait, elles servent à quoi ?

Grâce à leur système racinaire et leur feuillage dense, les mangroves offrent un habitat de choix pour de nombreuses espèces animales. Les eaux y sont calmes, riches en matière organique, et confèrent un milieu idéal à une grande diversité d’animaux aquatiques, et surtout pour les juvéniles de nombreuses espèces de poissons qui peuvent y grandir à l’abri des prédateurs. Nombre de ces poissons, crustacés et mollusques font partie de notre alimentation et leur pêche génère des revenus importants pour les communautés locales côtières.

Mais elles ont d’autres propriétés… Les forêts de palétuviers sont des récifs de bois. Grâce à leur structure, les côtes peuplées de mangroves sont protégées des cyclones et autres événements météorologiques. Les racines agissent comme un rempart qui empêche la progression des vagues et retient les sédiments, alors que le feuillage compact de ces forêts protège les côtes des vents violents.

Les mangroves sont capables de filtrer naturellement de grandes quantités d’eau qui proviennent des zones urbaines côtières. Ce système de filtration naturel permet de préserver la qualité des eaux du lagon et des écosystèmes qu’il abrite, tels que les herbiers marins et les récifs coralliens. Les mangroves ont la capacité de dépolluer ces eaux en absorbant les nutriments et en éliminant les agents pathogènes. Les mangroves ont été testées dans certaines régions de l’Afrique de l’Est pour le traitement des eaux usées domestiques et ont fait preuve d’une grande fiabilité (Projet Pumpsea). Elles pourraient constituer une solution efficace et peu coûteuse.

Alors, on fait quoi pour les protéger ?

Alerté par la diminution drastique des ressources halieutiques, le ministère de la pêche mauricien encourage les programmes de replantation de la mangrove. Un programme est implémenté entre 1992 et 2004 pour protéger et réhabiliter certains espaces côtiers avec de la mangrove : 157 900 propagules sont transplantées. En 2013, la surface occupée par les mangroves atteint 1,45 km2, et elle avoisine aujourd’hui les 2,4 km2. Depuis 1998, une loi est créée pour protéger les mangroves et vient ainsi soutenir ces efforts de réhabilitation. Dans le « Fisheries and Marine Resources Act de 2007 », il est stipulé que nulle personne n’a le droit de couper, prendre, enlever ou endommager la mangrove. Malheureusement, les mangroves ne sont pas encore à l’abri car des autorisations spéciales peuvent être issues pour détruire les zones de mangroves.

Le carbone bleu des mangroves

À l’heure où le changement climatique est au cœur des préoccupations mondiales, la mangrove se positionne comme une solution exceptionnelle pour compenser nos émissions de carbone. Les puits de carbone sont des réservoirs qui permettent de piéger le dioxyde de carbone (CO2) qui se trouve dans l’atmosphère. Le réchauffement climatique est la conséquence d’une trop grande concentration de gaz à effets de serre dans l’atmosphère, dont le CO2 en fait partie. Pour compenser ces grandes émissions, les forêts jouent un rôle essentiel en transformant le CO2 en matière organique grâce à la photosynthèse.

Plus une mangrove est ancienne et plus elle stocke du carbone, grâce au bois mort qui se décompose et à la litière qui se dépose au pied des arbres. Le carbone reste piégé pendant des siècles, voire des millénaires ce qui entraîne des stocks de carbone et des taux d'enfouissement qui sont pertinents pour l'atténuation des effets du changement climatique mondialement (Duarte et al., 2013 ; Macreadie et coll., 2021). Ce carbone organique stocké sous la surface de l’eau est appelé carbone bleu. Les herbiers marins et les marais salés sont aussi des puits de carbone bleu.

Si nous voulons compenser nos émissions de carbone atmosphérique et limiter ainsi la progression et les effets du changement climatique, il est indispensable de passer de la déforestation à la reforestation !